Nemyo's

jeudi, janvier 26, 2006

Cécile, comtesse de Roggendorff, 21 ans

Pour ce qui est, Monsieur, du raisonnement qui existe entre la raison et les sens, et qui semble vous avoir surpris, je vous dirai que mon coeur, mon esprit, mes sentiments, mes maximes, tout est si conforme et a un rapport si juste à cette morale que l'amitié est le seul mouvement de l'âme où l'excès soit permis, que je nourrissais ce sentiment si pur que la divinité même a gravé dans nos âmes, avec un plaisir incroyable, et c'est seulement dans ce point que je dis que la raison cède au mouvement de la nature, mais non que je me déclare pour les sens.

Dieu me garde, mon ami, de donner dans un projet si hardi, qui ne convient ni à mon sexe, ni à mon âge, et me rendrait méprisable au moment même où je voudrais le former.

Non, ne le croyez pas, quoiqu'il soit vrai que je suis ennemie des hommes ordinaires, c'est-à-dire de ces êtres qui ne se distinguent que par quelques vertus: l'homme le plus vicieux, à mon avis, vaut mieux que cet individu qui ne connaît ni la gloire, ni l'ambition, ni la grandeur ; il faut donc des passions pour avoir des vertus, et être estimable.



Cécile, comtesse de Roggendorff, Lettres d'amour à Casanova, 30 avril 1797

mercredi, janvier 25, 2006

la peau du niquedouille

Je suis légèrement contrarié.

Au sommet de la contrariété, siège fièrement la panne de connection au réseau. J'en fus fort marri, irrité, courroucé.

Et puis, ce matin, un courrier.

Qui m'a contrarié.

Il s'agit de La Redoute, qui persiste à me prendre pour un demeuré mental (ce qui est vexant, à la longue), en me félicitant d'avoir été sélectionné parmi 19 milliards d'amibes invertébrés pour participer au tirage au sort du siècle pour gagner un porte-clé en peau de niquedouille imitation plastique.

Or, je suis allergique aux porte-clés en peau de niquedouille imitation plastique, tout comme je suis allergique aux tirages au sort bidon pratiqués par des décérébreurs à l'attention de décérébrés.

Comment ?

Qu'est-ce qu'un niquedouille ?

Simple :

Le niquedouille (du latin bas-moyenâgeux nicodolum, cité par Chrestien de Troyes dans son ouvrage Erec et Enide (circa 1170, éditions Jean-Jacques Pauvert (les vers : "et le niquedouille repartit bredouille"... sont restés fameux), est un gastéropode à poils ras, très commun dans les endroits où il abonde.

Il se nourrit exclusivement de bortsch et de doubitchou, voire de kloug, et a contribué à la popularité de ces mets raffinés jusque dans nos contrées cinéphiliques.

Lorsqu'il est repu, le niquedouille mue en laissant sa peau sur le sol (d'où l'expression : "muer comme une peau de niquedouille un 13 février", si vous me pardonnez cette légère vulgarité), laquelle est alors recueillie religieusement par la secte des Adorateurs du Niquedouille Conique et Hélicoïdal, afin de produire, une fois transformée en résine de calice de christ de tabernacle d'ostie d'enfant de chœur, de superbes porte-clés, parfois injustement confondus avec du plastique, et moqués de ce fait.

Amen

lundi, janvier 23, 2006

de l'autre côté du miroir

Cascade de sourires intérieurs, ce midi, car j'ai rendez-vous avec elle.

En route dans l'air froid et vif, je dois avoir l'air niais, mais continue à sourire.

Elle m'attendra et me verra arriver, j'en suis sûr, avec cet air de sérénité amusée et taquine qui m'agace et m'attire à la fois.

Me voici. Elle est là.

Je ne vois qu'elle.

Oh, bien sûr, elle semble noyée dans la masse : autour d'elle, des visages, des personnages, des corps ondulent. Elle, elle est simplement là, assise dans le brouhaha que l'on devine plus qu'on ne l'entend, le corps drapé dans des voiles de soie qu'il ne me déplairaît pas d'arracher, la tête gracieusement posée sur la main, le regard mutin planté dans mes yeux. Je l'entends me murmurer : "alors, qu'as-tu à me dire, aujourd'hui ?"

Depuis quelque temps, nous dialoguons en silence. J'apprends à la connaître, et pour elle j'ôte quelques-unes des barrières qui dissimulent mon jardin secret. Peu à peu, une relation s'instaure, subtile, discrète et confiante. D'aveux sincères en confidences intimes, voire carrément épicées (elle a l'air sage, comme ça, mais elle a un tempérament de feu), se tissent entre nous les fils invisibles d'une réelle complicité.

J'aimerais passer de l'autre côté du miroir qui nous sépare. Franchir la distance, traverser l'image.

Oui, je sais ... est-ce raisonnable ? non, bien sûr, et en plus ce ne sera pas facile.

Car, c'est vrai, j'aurai du mal à passer de l'autre côté, car en fait de miroir, il s'agit d'une une toile de 1 m. 71 sur 2 m. 58 peinte en 1853 par Théodore Chasserieau, située au premier niveau du Musée d'Orsay (à droite), intitulée Tépidarium, qu'elle irradie de sa présence, là, au premier plan, à droite, vous voyez ? Oui, vous la voyez, mais elle ne vous voit pas, elle n'est là que pour moi.

vendredi, janvier 20, 2006

Entre gris clair et gris foncé

La pierre est belle, ils ont bien choisi.

Une longue dalle de granit gris clair, veinée de bleu et perlée de noir.

Elle est sobre et belle, comme l’était sa vie. Et froide aussi, comme le vide que laisse sa mort.

La tombe de mon père.

Un prénom, un nom, deux dates.

Sa vie définitivement enclose entre ces deux dates : deux parenthèses scellées et désormais muettes.

Et une part de ma vie est là aussi.

Je n’étais pas venu ici depuis l’enterrement : l’éloignement, certes, mais aussi les horaires des cimetières fonctionnaires. Trois tentatives depuis septembre, trois échecs pour arrivée ‘tardive’ (16h00 …).

Aujourd’hui, je suis venu à l’ouverture.

Il fait à peine clair, le ciel est marbré de gris de bleu et de noir, immense voile funèbre qui recouvre la ville.

A quelques pas, le bosquet de bouleaux qui jouxte le cimetière se balance doucement sous une brise retenue. Une très fine pluie s’égare entre les troncs.

Je suis seul dans l’allée, seul sans doute dans tout le cimetière.

Pourtant, non, je ne suis pas seul, il est là, je me plante devant lui, devant la dalle qui désormais l’abrite mais aussi le retient prisonnier.

Et très vite, comme prévu, comme redouté, la boule noire refait surface, âpre et vicieuse. Elle s’installe dans ma gorge avec sa désinvolture coutumière, arrogante intruse. Elle croit sans doute que je vais, comme d’habitude, réfréner, repousser, contenir la vague qui monte, et repartir, dur et fermé.

Mais cette fois, je ne suis pas seul, mon père est là et sa proximité me fait enfin fondre en larmes.

Des larmes amères, drues, indécentes, sans élégance ni retenue. Acide trop longtemps retenu.

Je suis là, immobile, gauche et niais, secoué de sanglots, la bouche tordue et les mains vides.

Cela dure longtemps, ou à peine quelques minutes, je ne sais pas.

Mes yeux ne quittent pas l’assemblage de lettres en laiton qui répète silencieusement le nom de l’homme dont je porte le nom.

Je pleure toujours sans retenue, mais plus doucement, à présent.

L’acide des premières larmes a enfin eu raison de la boule noire, et je m’apaise progressivement.

Mes larmes coulent désormais sereinement, et je ne suis plus secoué de spasmes.

Je peux enfin bredouiller, mais ne trouve rien d’autre à dire que répéter lentement, comme pour l’apprivoiser, le mot qui me faisait si mal depuis des mois : « papa, … ».

Puis, à travers le rideau de mes larmes, une étrange chorégraphie s’anime lentement.

Les lettres s’ébrouent, le prénom et le nom semblent prendre vie et commencer à flotter doucement sur la dalle.

Et voici que la dalle n’est plus pierre, mais eau.

Elle n’est plus froide et immobile, elle se mue en océan frémissant, parcouru d’une houle puissante.

Et voici que mon père rompt ses amarres, prend la mer, vogue, s’évade de sa prison grise.

Il est libre et me sourit, de ce petit sourire muet qui m’encourageait.

Le ciel se dégage, un peu.

Le gris foncé passe au gris clair.

Je reprends le train, léger, apaisé, la boule noire a disparu.

mercredi, janvier 18, 2006

Reddition

Voilà, ça y est.

Cela une semaine que je tourne autour d'elle, que l'on s'observe à distance, que l'on se jauge. Elle occupe toutes mes pensées, je me réveille en pensant à elle, mais elle me fuit, elle se refuse obstinément et je n'ose même l'aborder franchement.

Sa présence discrète m'obsède mais mon impuissance à la saisir me hante.

Elle est là, je la sens, je la hume et son odeur m'accompagne et me précède.

La savoir parfois si proche et si lointaine pourtant m'est un supplice.

Les soirs de fièvre, je crois entendre ruisseler à mes oreilles l'éclat de rire moqueur qui la saisit lorsque, une fois de plus, une fois de trop, elle m'échappe dans un mouvement joyeux.

Je la veux.


Et depuis ce matin, je la tiens.

Elle ne se débat plus, elle est à moi, elle se livre, alanguie et soumise.

Elle m'ouvre son fief, m'initie à ses arcanes.

Elle ne me tient pas rigueur de l'avoir poursuivie, harcelée, épiée.

J'en saisis toutes les nuances, les subtils détours, les richesses moirées.

Et tout s'organise à présent, tout est clair, limpide, aisé, naturel, élégant.

Tout s'emboite à merveille.



... je la tiens enfin, mon idée.

Et je ne la lâche plus.

lundi, janvier 16, 2006

Aube ou Aurore

Il y a sans doute une différence entre l'aube et l'aurore.

Sans doute l'une précède-t-elle l'autre, à moins que ce ne soit l'inverse, et réciproquement ... Sans doute ... mais je ne veux pas savoir, je n'irai pas interroger gourougougueul, le gourou virtuel de la connaissance instantanée.

Non, je préfère cette incertitude ténue, légère et brumeuse, tant elle me semble justement caractériser ce moment frêle et indécis, où le ciel humide et froid hésite à croire que le soleil va bientôt surgir.

Au crépuscule, il y a le rayon vert, bref embrasement qui signifie la fin du jour. Mais au premiers balbutiements du matin, il n'y a rien de tel, juste un étirement frileux du jour naissant, un camaieux de gris et d'ambre qui succède à la nuit.

Innombrables sont les peintres du jour, nombreux sont ceux de la nuit, fréquents sont ceux qui ont voulu allumer leur toile à la lueur flamboyant d'un soleil couchant.

Mais rares sont ceux qui se sont aventurés dans les tons indécis, aquatiques, brumeux et froids de l'aube (ou de l'aurore) : parmi eux, le Titien et surtout le Caravage.

Surtout, le Caravage :

mardi, janvier 10, 2006

futur passé

L'Express a publié la semaine dernière un numéro spécial "année 2025", rempli de ces prévisions futuristes et amusantes, mais que personne ne comprendra plus dans dix ans parce qu'elles ne font que plonger dans l'avenir des personnages ou situations actuels, que tout le monde aura oublié(ainsi, Sarkozy qui annonce en 2025, à l'aube de ses 70 ans, sa candidature à la présidence ... du Musée Grevin ; mouais, admettons que c'est drôle).

J'ai le souvenir d'un même numéro spécial, également publié par l'Express mais en janvier 1980, qui visait l'an 2000. J'éprouvais à l'époque les premiers balbutiements de l'adolescence, et travaillé par mes hormones remuantes, j'avais été très intéressé par l'article prédisant l'explosion des clubs de sexe en apesanteur, voire de sexe virtuel, relié à toutes sortes de machines. Aujourd'hui, l'apesanteur n'est pas au rendez-vous, c'est vrai (au contraire, je trouve l'époque plutôt lourde ...), mais le sexe virtuel, lui, a bel et bien gagné ses galons, même si c'est dans un sens différent, car en 1980 personne ne pouvait imaginer ce que serait Internet.

De mémoire, toujours en 1980, l'Express prédisait un conflit nucléaire entre les USA et ... l'Union soviétique (eh oui, l'URSS existait encore), et l'inauguration d'un hôtel sur la lune. Le conflit n'a pas eu lieu, l'hôtel n'existe toujours pas, mais en revanche, le numéro spécial d'aujourd'hui recycle la prévision et prévoit l'inauguration de l'hôtel vers l'année 2020 ... Et le conflit nucléaire imaginé en 1980 est également réutilisé, mais dans un contexte de terrorisme qui raye la ville de Singapour de la carte.

Je crois que je vais conserver ce numéro quelque part, peut-être qu'un jour, en 2025, j'en rigolerai, sauf si certaines prévisions se sont effectivement réalisées ...

lundi, janvier 02, 2006

Speedy Blog, express delivery

Réponse à Emilie, qui me fait un compliment et un reproche dans la même phrase ...

ok, j'avoue, c'est vrai, je passe parfois par des phases d'intense fainéantise bloggeuse, je n'écris plus rien.

enfin, ... ce n'est pas tout à fait exact : en réalité j'écris souvent, mais il m'arrive de communiquer peu.

Ou du moins peu sur le blog.

Evidemment, comme tout bloggeur, j'imagine, j'aime jouer avec l'ambiguïté "intimité / exhibition", propre au blog, et l'anonymat débride et ouvre les vannes. Mais même là, je n'écris pas tout.

J'écris beaucoup, donc, mais je réserve des textes à des communications bilatérales par email, au détriment du multilatéral.

Et puis encore, il me semble souvent n'avoir rien à dire, et j'ai déjà écrit quelque part que le simple fait de n'avoir rien à dire n'était pas une motivation suffisante pour l'écrire.

D'où, parfois, le calme plat.

Mais j'aime le jeu, j'aime les défis.

Si je n'écris pas assez, passe commande ! Lance un thème, une idée, une provoc', et si elle m'inspire je répondrai, ouvertement sur blog, ou derrière la scène par email.

Ou pas du tout, selon les cas, les humeurs et les caprices de la météo.

Speedy blog, express delivery.


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