Nemyo's

jeudi, juillet 22, 2004

un grain.

Est-ce l'éloignement, la chaleur lourde sur Tokyo ou encore cette fausse nuit, trouée de couleurs criardes, qui tente un coup d'état contre mon horloge biologique ? Bref, quelle qu'en soit la raison, je me sens d'humeur philosophique ... par exemple, le grain de sable.

- "Quoi, le grain de sable ?"

Eh bien le grain de sable m'inspire, car il est totalement imprévisible individuellement et parfaitement maîtrisable collectivement. Livrons-nous à une expérience divertissante, dans le droit-fil de la télévision scolaire en noir et blanc de mon enfance (genre : Jurassique pré-Bloubiboulguien) :

1. prenez quelques poignées de sable fin, homogène, sans gros cailloux ni mégots ni seringues ni autres objets anodins qui traînent habituellement sur la plage.

2. mettez-le dans un entonnoir dont l'orifice n'est pas trop large (tenez, je vous donne celui qui me tient lieu de couvre-chef, il fera l'affaire).

3. faites couler le sable par l'entonnoir.

Voilà.

- "Voilà quoi ?"

- "Ben voilà l'expérience, la grande, l'immense expérience, celle qui résume le genre humain."

- "Je ne vois pas."

- "C'est simple : aucun ordinateur au monde, même le plus puissant, ne serait capable de prévoir la trajectoire individuelle de chaque grain de sable au sein de l'entonnoir, sa vitesse de chute, son angle de dégringolade sur le cône qui se forme en bas, et finalement le point spatial où il va se stabiliser. En revanche, il est très facile de prévoir la forme collective que prendront tous ces grains, à savoir un cône, bien sûr.

Imprévisibles individuellement, mais pré-déterminés collectivement"

- " ... ?"

- "Rien, laisse tomber." 

 
PS : avis aux innombrables deux lecteurs (trices) de ce b-journal : risque d'interruption de service dès ce week-end, pour cause de départ immédiat en vacances dès mon retour de l'empire du Soleil Levant, dans une petite maison îlienne volontairement privée de tout moyen de communication plus sophistiqué que les cailloux blancs sur le chemin et les signaux de fumée (et encore, avec les restrictions sur les feux, même cela sera hors de portée).


La vie c'est comme un rouleau

Reçu par email, dans le flot d'un envoi collectif où mon adresse avait du s'égarer par mégarde, un "message de l'amitié", qui commence par :

"J'ai appris que la vie c'est comme un rouleau de papier toilette : plus on approche de la fin, plus ça va vite". (authentique, je jure que j'ai reçu ça, croix de bois, croix de fer, si tu m'crois pas tu vas en enfer) .

Waow.  J'ai dégluti péniblement et tenté de reprendre mon souffle.  Devant tant de puissance évocatrice, face à une telle intensité philosophique, j'en suis resté, disons, ... sur le fondement. Et bouche bée, accessoirement. Enfoncés, Aristote, Cioran, Freud, Sénèque, Desproges, Lao Tseu, Lagarde et Michard, Tom et Jerry, Vice et Versa, ma Mère, la Caissière du Monoprix d'En Face, tous ces phares resplendissants de la pensée humaine, ces titans de l'esprit aux larges fronts plissés par d'intenses réflexions.
Ne cherchez plus, glorieux penseurs, et écoutez-moi. Votre noble quête, vos interrogations prométhéennes, vos clameurs ardentes dans l'immensité froide du doute n'ont certes pas été vaines, mais c'est d'Ailleurs qu'est venue la solution.

Du fond des toilettes, pour être précis. Logique. On est peu de chose, finalement. Un rouleau de papier toilette, qui se déroule à toute vitesse.  Là, ça calme.

Mais alors, qui donc qui c'est qui s'essuie avec nos vies, hein ??

Tokyo 36

Tokyo.  Arrivé ce matin.  Enfin, matin à Paris, soir à Tokyo, araignée du matin, parpaing, araignée du soir, dans le noir.  Décalé.
Chaleur moite, que j'aimerais piquetée de ces orages brefs et violents s'abattent sur la foule stoïque des Tokyoïtes.  Mais là, rien.  que de la chaleur lourde, fluide épais et gras exsudé par les autoroutes urbaines.
Rudesse des taxis, conduite à gauche, les portes arrière qui s'ouvrent brutalement, télécommandées par le chauffeur là où je m'escrimais, Occidental naïf, à les tenter de les ouvrir.  Il rigole.  Envie de meurtre, mais je ne suis pas certain que mon assurance globale corporate travel couvre cette hypothèse.  Dans le doute, sagement, je m'abstiens, et remise mon rétro-fulgure cracheur de smarties.  Tu l'as échappé belle, taxi-san !  Bob Morane me fait un clin d'oeil, il approuve, je suis rassuré.
C'est la nuit, cascades de lumières agressives, hurlement silencieux des néons multicolores.  J'ai croisé Virginie Ledoyen au détour d'une pub pour L'Oréal.  Elle m'a snobé, elle a feint de ne pas me reconnaître.  Mais, grand seigneur, je lui pardonne.  Tu es pardonnée, Virginie.
Shinjuku Washington Hotel - Tokyo's version of the city that never sleeps... is unquestionably one of the most fascinating and exciting places in Japan.  Oui, never sleeps, en effet.  Fascinating, exciting, bof.  Les paupières de plomb et les semelles itou.

Quelle heure est-il ?  Où sont Bill Murray et Scarlett Johansson ?  36 heures, puis retour à Paris.  Dormir.  (essayer). Plus tard.  M'habiller, premier rendez-vous de la journée.

mercredi, juillet 21, 2004

Ils arrivent, ils débarquent, ils sont là.

Ils arrivent, ils débarquent, ils grouillent, ils se répandent, les voilà. Les touristes à Paris.

Roses et gras Américains dont les Nike flambant neufs transportent d'aimables surcharges pondérales aux quatre coins de la ville, groupes soudés de gloussantes étudiantes japonaises, hordes débraillées de cadres moyens chinois tonitruants, routards improbables aux regards vides et aux iPods remplis.  Des Russes aussi.  Habillés à la dernière mode de ... enfin, là, quoi, la mode de ... par là, genre, euh, la dernière mode de sûrement quelque part, entre Oulan-Bator et Novgorode.  Et des neo-Européens en pagaille, Polonais, Hongrois, Roumains, Tchèques.  Habillés presque comme nous, ils sont très forts.  Il va falloir se méfier.

Dans le métro, cohabitation amusante avec le prototype immuable du cadre parisien pressé, dont l'unique concession à l'été est d'avoir retiré sa cravate. Agglutinés aux portes, ils se lancent dans d'interminables discussions à chaque arrêt, d'où émergent à grand peine des noms de stations à travers le filtre d'improbables accents (comment dit-on "La Motte Piquet - Grenelle" en mandarin ?). Ils ne maîtrisent aucun des codes implicites du déplacement parisien souterrain, et restent sourds aux borborygmes énervés des autochtones (nous) qui les prient de s'écarter des sorties. Ils parviennent d'ailleurs ainsi à accomplir l'exploit rare de faire communiquer entre eux quelques exemplaires de l'homo parisianus, sur un mode mi-agacé, mi-méprisant.

Hier, face à un Anglais au pelage luisant sous le coup de soleil, dont l'expression perplexe devant la carte du métro évoquait Champollion devant la Pierre de Rosette, j'eus ce mouvement initial d'agacement.

Puis, je me suis souvenu qu'après tout, je ne suis parisien que depuis une dizaine d'années, et qu'il ne m'est pas interdit de me souvenir que dans mes autres vies et autres villes (Bruxelles, Londres, Montréal), j'ai autrefois été un être humain.  Si, si, il m'est même arrivé de sourire pendant plus d'une nano-seconde.

Alors je lui ai expliqué le trajet. A sa grande surprise.  Et la mienne.

C'était ma bonne action de la journée. Moralement épuisante. Il va falloir que je me resaisisse. Demain, je reprends mon arrogante, puissante et, pour tout dire, allemande berline, et j'essayerai d'écraser un piéton. Une vieille dame de préférence, les os sont plus fragiles, les dégats sur le pare-chocs en seront réduits d'autant. Allons, haut les coeurs. Tout n'est pas perdu.

jeudi, juillet 15, 2004

"Les spectateurs sont priés de ne pas applaudir à la fin du spectacle"

Jean-Louis Trintignant, seul en scène avec Apollinaire au théâtre de la Madeleine, hier.

Enfin, presque seul: avec lui un accordéoniste et un violoncelliste et, brièvement, un enregistrement de sa fille Marie, tiré de leur précédent spectacle Apollinaire. Pas de pathos, juste des mots de sang, de boue et d'amour dans la pénombre, la musique de Satie en contrepoint. Sobre. Mais la vraie émotion est venue au moment des applaudissements.

Applaudissements nourris, soutenus, mais pas hystériques. Et l'acteur debout, gauche, sans un sourire, le regard furtif hésitant à droite et à gauche, raide et maladroit comme un enfant. Ses yeux peinant à se réhabituer à la lumière, les mains tremblantes dont il ne savait que faire (le long du corps ? croisés derrière le dos ?). Comme embarrassé par le sac d'os et de viande qui reprenait possession de lui. Flottait l'ombre insistante d'un malentendu, son corps disant malgré lui : "merci, mais arrêtez d'applaudir, c'est du silence qu'il faudrait".

Au théâtre, les applaudissements ne sont pas faits pour remercier ou féliciter les acteurs, mais pour chasser les dieux, les démons et les ombres qui ont envahi la scène. Briser l'envoûtement comme on casse un miroir.

Et pourtant ... on éteint bien les téléphones portables au début du spectacle. Qui osera un jour prier les spectateurs de ne pas applaudir après le tomber du rideau ?

mardi, juillet 13, 2004

sentiers battus

Les sentiers battus sont l'un des grands scandales cachés de notre époque. Battus, exploités, ils ne sont plus capables de déboucher ailleurs que sur des lieux communs.

Il est temps de réagir. Je propose la création d'un Comité de Défense des Sentiers Battus.

Et je fais un geste : chaque fois que je le pourrai, je sortirai des sentiers battus.

vendredi, juillet 09, 2004

tak-tak, tak-tak, tak-tak.

Retour ce matin d'un voyage éclair à Londres. Un long tube digestif relie désormais Paris, Londres et Bruxelles. Lumière tamisée, vitesse. Repas servis à bord, il est permis d'hésiter entre une micro-bouteille de Bordeaux ("appellation Bordeaux garantie") et une micro-bouteille de vin chilien (allez, soyons fous, innovons, un peu d'originalité que diable, sortons des chemins battus, buvons chilien !). Rien de plus qu'un métro confortable, en fait.
La pluie bat les vitres, le temps passe trop vite, le train ignore les nuages, avale la pluie, digère le temps. Est-ce encore un voyage ? non, tout juste un trajet. ... trajet rythmé par les sonneries de téléphones portable, auxquels sont suspendus d'étranges clones, tous pareils, multilingues, importants, préoccupés, cravatés. Ah, la cravate. Tenus en laisse, mais pas n'importe laquelle s'il vous plaît, une laisse Hermès, Yves Saint-Laurent ou Paul Smith, toute la différence est là !

Il n'y a pas si longtemps, le rythme était différent. Il provenait du passage des bogies sur les rails, entre lesquels était maintenu un écartement minime, pour en permettre la dilatation en cas de fortes chaleurs. Et cela faisait tak-tak, tak-tak, tak-tak. Obsédant, répétitif, chamanique.

Aujourd'hui le rythme est téléphonique, et le vin est chilien. Pourquoi le rythme a-t-il changé ? Je ne suis pas un spécialiste ferroviaire, mais j'ai mon idée. En fait, j'ai deux idées, car de deux choses l'une (la troisième, bien sûr, c'est le soleil) :
- soit il n'y a plus de fortes chaleurs (probabilité : 0,01%),
- soit le "problème" a été résolu par de super giga-rails en composites micro-pulsé de tungstène à structure tubulaire infra-callypigistiques bi-turbinatoires inversées (ou quelque chose d'approchant).

En tous cas, plus de tak-tak, tak-tak, tak-tak. ... et où est passée la petite Jehanne de France, à qui son pote Blaise chantait la Prose d'un Transsibérien qu'il n'a peut-être jamais pris (mais qu'importe) ? Eh bien elle a fait du chemin. Elle s'est reconvertie en hôtesse d'accueil bilingue, s'est fait greffer un sourire professionnel sur les lèvres ("durée garantie 24 heures sans crampe"), et sert des repas micro-ondés aux passagers de la business class de l'Eurostar.

Et du vin chilien.

jeudi, juillet 08, 2004

ce n'était pas la bonne (jour deux, bis)

deuxième moitié du deuxième jour.
rien.
personne.
en fait, c'est ça : rien ni personne.
donc: il y eut un soir, il y eut un matin, et ce midi un jambon-fromage (parce qu'il n'y avait plus de salade tomates-crevettes).
bon.
admettons.
il faut admettre qu'à part moi, ce blog n'a pas encore beaucoup de visiteurs.
normal.
oui, peut-être normal, mais bon.
frustrant ?
non, pas encore frustrant.
normal.
que faire ?
la citation n'était peut-être pas la bonne, après tout.
trop crue ?
ou alors, c'est le disque des grands succès de Rondo Veneziano, j'ai du le mettre en 78 tours.
je ne vois que ça.

pour la citation, je vais faire plus velouté, profond et sensuel.
(pour Rondo Veneziano, je vais arrêter, après tout).
voilà : velouté, profond et sensuel.
ça, ça devrait marcher.
Aragon, par exemple, dans "Les mains d'Elsa"

"sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
d'une proie entre eux un instant tenue
sauras-tu jamais ce que leur silence
un éclair aura connu d'inconnu
ce que dit ainsi le profond langage
ce parler muet de sens animaux
sans bouche et sans yeux miroir sans image
ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots"


"ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots"...
bien trouvé, ça.
"pas de mots" ... il a trouvé les bons mots pour dire qu'il n'y a pas de mots.
c'est fort.
très fort.
bon.
toujours personne.
normal.
attendons la suite.

et arrosons les bégonias, des fois que ...

des géraniums au balcon (jour deux)

Jour deux.
Toujours personne.
Rien, ni personne.
Normal, je n'ai pas distribué les cartons avec ma nouvelle adresse.
Mais peut-être vont-ils venir quand même ?
J'ai l'air malin avec les petits fours qui me restent sur les bras, et mon jus d'orange tiède.
J'aurais dû mettre des géraniums au balcon, cela ferait plus joyeux, plus coquet. Avec en plus un disque des plus grands succès de Rondo Veneziano, peut-être qu'ils viendront plus vite ? ...

Ou alors, une belle citation, bien définitive, nette et claire comme une lame.

Oui, c'est ça, une citation. Qui nourrit et affame en même temps. Qui cingle et éclate.

Comme ceci, par exemple :
"Ils n'ont pas compris que le plus bel art est hors du temps. C'est l'homme. L'art n'est que la courbe de ses maladies. On l'examine comme un médecin examine les selles d'un patient." (Lettre de Lawrence Durrell à Henry Miller, août 1936).

mercredi, juillet 07, 2004

Jour un (bis)

pour l'instant, personne.
donc, récapitulons: rien ni personne.
du moins pour l'instant.
normal.
attendons.

Jour un

pour l'instant, rien.


  • InMemoriam
  • Peau d'âme
  • Ludecrit / Double Je
  • La Grange
  • Shannonriver
  • Sale bête
  • Carnets rouges
  • Flip Flap
  • Emmanuelle
  • pHiLoGrApHe
  • mon sitcom
  • K: ça e[s]t je[u]
  • Becker-Posner
  • in blog we trust
  • waterhot
  •