Nemyo's

mardi, août 31, 2004

La tentation d'Edouard (19 euros)

Je procède actuellement à une petite expérience : je lis un livre.

Ah ? Oui, bon, jusque là, rien d'exceptionnel ou de particulièrement bouleversant, d'accord.

Mais je n'ai pas fini de le lire, ce livre. Je suis au milieu.
(soupir ... [ton légèrement condescendant] - "c'est normal, tu sais, quand on lit un livre, généralement, on commence, on continue, puis on termine. Allez, reprend tes complexes vitaminés")
Nan, je me fais mal comprendre : je suis arrivé hier au milieu du récit, et j'en parle déjà. D'habitude, avant d'en parler ou d'écrire un commentaire, j'attends d'avoir tout lu.

Là, non. J'en parle. C'est ça l'expérience, c'est d'en parler au milieu : d'ailleurs, il se peut que dans une prochaine note, je regretterai ce que je viens d'écrire, car je me serai fait une opinion.

Mais pour l'instant, je ne sais pas trop ... Il m'intrigue, ce livre, parce qu'arrivé au milieu, je ne sais toujours pas s'il me plaira ou non. En principe, cela devrait suffire pour le refermer et le vouer au purgatoire des étagères du haut, celles où dorment Houellebecq, Angot et d'Ormesson (ce dernier étant encore tout étonné de pareil voisinage) : généralement, si je ne suis pas encore séduit à la moitié, je lâche.

Mais ici, c'est différent : disons que je suis à moitié attiré par ce livre, ce qui n'est déjà pas rien. Je ne me résous pas à jeter un verre à moitié vide, dans le vague espoir qu'il se révèle à moitié plein.

Je parle de La tentation d'Edouard, d'Elisa Brune.

Pour être honnête (tiens, c'est nouveau, ça ?), précisons que je connais bien l'auteur (Elisa, c'est même pas son vrai prénom, elle aussi elle aime les pseudos) et que j'aimerais pouvoir aimer son livre sans retenue.

Mais ... non. Il y a quelque chose qui me retient, en dépit d'un style très pur, souvent drôle et traçant parfois de fulgurantes ellipses (elle n'est pas scientifique pour rien), d'une histoire bien troussée et d'un indéfinissable "air du temps" fait d'un demi-marivaudage moderne pas déplaisant. Mais voilà justement le hic, c'est "plaisant", comme une petite musique agréable et entêtante, mais légère, dont on finit par s'agacer. En fait, ses personnages sont très -trop ?- cérébraux, je n'arrive pas à en voir le sang, les tripes, la sueur et les larmes.

Bon, d'accord, là c'est peut-être excessif : sans verser dans le sang et les tripes, disons qu'après le feu d'artifice des premières pages, les personnages restent en retrait d'eux-mêmes, prévisibles voire même, si, si, hélas ... superficiels, ce qui n'est pas nécessairement une critique négative à la condition que leur superficialité ne se ressente pas sur le roman lui-même.

Mais bon, je n'en suis qu'à la moitié.

Lisons.

lundi, août 30, 2004

dubitativité, perplexitude et étonnationnement ("réflexions hésitantes sur l'anonymat, le masque et son double" ou encore : "jeu est un autre")

J'imagine que les lignes qui suivent vont éveiller quelques échos familiers chez tous les bloggeurs / bloggeuses qui se sont un jour demandés ce qu'ils font là, pourquoi et pour qui ils font leur blog, etc.

Non, non, je ne prétends pas ajouter ma liliputienne contribution aux innombrables discussions et analyses déjà lues ici et là ! Je vous épargnerai une enième docte réflexion sur la dualité opposant l'intimité et l'exhibition, sur le double reflexe "individualité / communautarisme" qui anime tout bloggeur. Cela dit, nulle ironie dans mes propos : oui, c'est vrai, il y a une sur-exposition paradoxale de l'intimité dans le blog, oui encore, tout blog est à la fois infiniment individuel et inextricablement inscrit dans un réseau, une toile, une esquisse de communautés avec son style, ses centres d'intérêt, ses codes, ses reflexes, ses liens plus ou moins endogames, etc. Jeux de miroirs sans cesse renouvelés entre l'intérieur et l'extérieur, moi et les autres, "je" et "eux", etc., etc.

Tout cela est indéniable et certainement très intéressant, mais le débat est aussi vieux que l'art du diariste lui-même. Après tout, Chateaubriand lui-même a publié ses "Mémoires d'Outre-tombe" avant sa mort -certes, contre son gré et poussé par des besoins financiers .... Mais surtout, ces constats n'ont de paradoxes que l'apparence, pour la simple raison que l'immense majorité des bloggeurs sont des masques, des doubles virtuels, des avatars.

Tout est là, c'est à cela que je voulais arriver : l'anonymat. Ce cher, confortable, rassurant et cependant parfois trouble anonymat

Que nous importent ces contradictions puisqu'elles sont portées par des masques, nos doubles complaisants, reflets de nous-mêmes plus ou moins consciemment améliorés, bichonnés, pris sous leur meilleur profil ? Car je l'ai construit, mon Nemyo. Oh certes, il me ressemble, car il est bâti avec des des matériaux qui me sont propres, mais ce n'est pas tout à fait moi. En fait, c'est moi, mais en mieux. J'essaye de le faire paraître plus ouvert, plus cultivé, plus lucide, plus intéressant, plus profond que je ne suis. Et plus posé, tellement plus posé. Il ignore tout des scories brouillonnes qui me collent aux doigts.
[J'dois m'méfier, d'ailleurs, parce qu'à force il finira constipé du calbut, le Nemyo, à pérorer en boucle avec son ton plaintif, vagissant et sentencieux d'omnichiant capillo-tracteur, sur ses thèmes neurasténiques d'intellostérilocrate post-houellebecquien]

(euh, désolé, interférences foutraques du surmoi festif ...)

Parfois, d'ailleurs, le masque s'anime d'une étrange vie autonome, acquiert une personnalité propre, en décalage discret d'avec son géniteur. Bien qu'encore assez néophyte, il m'est déjà arrivé de me dire : "non, ça, je ne l'écrirai pas, même via "Nemyo" ..." Curieux réflexe, comme si ce pseudo, cette seconde peau sous laquelle j'avance masqué sur la toile n'était finalement pas 100% étanche ...

En fait, c'est à cela que je veux en venir : je m'interroge sur le degré de sincérité, de dévoilement, de transparence que je veux mettre dans mon blog.

J'en vois d'innombrables sur la vaste toile qui ne cachent rien, photos ou video à l'appui, et qui prétendent ne rien nous laisser ignorer de leur vie, de leur visage, de leurs amours, de leurs doutes, poisse ou succès, etc. A supposer que ce déballage soit sincère -ce qui reste à prouver, l'accumulation étant souvent un camouflage efficace, ce n'est pas ma crèmerie.

Non, je m'efforce pour ma part d'évoluer en "réalité améliorée", ... mais discrète. Rien sur mon blog n'est faux (pour l'instant ...), mais ce qu'il ne contient pas excède évidemment ce qu'il contient et ce sont ces absences qui dessinent en creux les contours de cette "réalité améliorée" ... Rien non plus ne permet de m'identifier, au-delà de quelques caractéristiques évidentes mais n'autorisant pas une mise au point trop précise.
J'aime avancer masqué, en partie par éducation, et par réflexe professionnel : j'exerce un métier où la discrétion est une seconde nature, l'introspection rarement pratiquée et le second degré peu répandu. Mais surtout, j'ai le goût de cet anonymat virtuel : j'en aime la souplesse, la "plasticité", ce pouvoir qu'offre le pseudo d'introduire d'infimes distorsions dans le réel.

Oh, il est bien petit ce pouvoir, et sa portée en est réduite : si jeux il y a, ils n'amusent sans doute que moi.

Peut-être, mais c'est déjà bien assez.

Et surtout, au-delà du jeu, il en dit finalement beaucoup sur nous, sur moi, ce pseudo : précisément parce qu'il acquiert rapidement une dimension propre, une forme limitée mais réelle d'autonomie, la cohabitation entre "lui" et "moi" me conduit à me poser d'insistantes questions sur "moi" : pourquoi donc hésité-je à "lui" laisser écrire, sous "son" nom, des fragments de ma vie, de mes pensées, de mon intimité, des mes aspirations, élans et craintes, fantasmes et rêveries ?

J'ai longtemps pratiqué le théâtre comme acteur, amateur d'abord puis semi-professionnel pendant 2-3 ans. J'ai eu l'occasion, une seule fois, de jouer un texte d'un auteur vivant, qui a assisté en personne aux répétitions, puis à plusieurs représentations. Le pauvre en était malade, et pas seulement à cause de la piètre qualité des acteurs : la seule démarche de "mise en corps" des textes est une souffrance pour beaucoup d'auteurs de théâtre.

Je ne suis pas loin de partager ce trouble, et me demande ce que deviendra "mon" Nemyo ...


jeudi, août 26, 2004

sans aucun intérêt ...

... sans intérêt, et pourtant je ne sais pas trop comment, moi qui suis informaticien comme Raffarin est primesautier ou le Pape en bonne santé, j'ai apparemment réussi à insérer dans le "template" de ce blog les quelques lignes de code qui lui manquaient pour me permettre enfin de créer des liens vers d'autres blogs.
C'est décidé, je m'octroie une minute d'auto-congratulation.

(...)

voilà, c'était bon.

(...) encore ?

mercredi, août 25, 2004

comme un oiseau suit son maître (?)

Hier, dans le métro Bourse, un grand black distribue à tout va de minuscules bouts de papier rose, vantant ses performances de marabout. Curieuse distribution car le public de cadres qui afflue dans ce quartier d'affaires , même dans le métro, n'est sans doute pas sa cible naturelle. Peut-être a-il été conseillé par PricewaterhouseCoopers et, après un benchmarking intensif visant à identifier les best practices du market, s'est-il lancé dans un processus de creative re-engineering de son business ?

Je lit le papier avec avidité. On ne sait jamais. Il m'arrive d'être distrait, dès fois que je perdrais l'être aimé ...

J'y apprends que si "l'être aimé est parti, c'est son affaire" ... effectivement, je me dis que c'est son affaire, à l'être aimé, et que cela ne nous regarde pas. Puis je comprends que, non, c'est l'affaire du marabout, qui va évidemment y mettre bon ordre, puisqu'il est capable "de faire revenir l'être aimé, qui sera à nouveau à vous comme un chien obéissant, et vous suivra comme l'oiseau suit son maître".

Ah, voici l'ébauche d'une déviance SM teintée d'animal sex qui est intéressante. Je m'attarde.

Dans un flash amusé, je me vois déambuler dans Paris suivi par un chien obéissant, lui-même escorté d'un oiseau voletant à distance respectueuse. Poétique et surréaliste comme un tableau de Fernand Khnopff ou Magritte, mais cela doit être encombrant à l'heure du déjeuner.

Non, décidément, faire revenir l'être aimé pour être suivi par un oiseau voletant à trois mètres, je ne suis pas convaincu. Et puis je me vois mal faire l'amour à un canaris à travers les barreaux de sa cage, sous les aboiements lascifs d'un teckel.

Je dois manquer d'imagination.

lundi, août 23, 2004

Vidange

Comment j'ai vidé la maison de mes parents ... j'ai lu ce livre il y a quelques mois, ne voyez aucune prescience là dedant, je le savais, ce n'était qu'une question de mois ou de semaines, et c'est à présent à mon tour. Mes parents déménagent et, à leur âge et dans leur état de santé, ce déménagement est le dernier.

Ce fut ce week-end. Et je suis d'humeur noire ce matin.

Grande maison vide qui lentement refroidi, comme je hais à présent ta décoration ridicule, tes rideaux fades et mièvres, la niaise "pensée du jour" que ma mère scotchait dans sa cuisine et dont un exemplaire est retrouvé échoué derrière des meubles jaunis de graisse, comme je te hais de donner à mes yeux d'adultes le spectacle pitoyable d'une décomposition accélérée de mon enfance. Ai-je vraiment vécu, et aimé vivre, dans ce décor d'Armée du Salut ?

Et puis tous ces objets à retrouver, ces corps froids à déplacer à nouveau. Certes, de déménagements étudiants en installations plus stables, j'avais déjà ces dernières années, éliminé, trié, filtré, rangé l'essentiel de mes propres affaires, souvenirs éparpillées. Le tri les a purifié, ils me parlent plus doucement que ne le font ces meubles et bibelots oubliés depuis si longtemps ("si longtemps" ? non, en fait : à peine quelques années, un siècle en réalité).

Mais le tri n'est pas tout, et la dure loi de l'immobilier étant ce qu'elle est, la grande maison provinciale de mes parents était restée un lieu de stockage plus commode que mes appartements successifs en France ou ailleurs, même s'ils sont allés s'agrandissant au fil du temps.

Ainsi, le rapatriement de mes propres souvenirs (du moins ceux auxquels j'ai la faiblesse de tenir, soit environ 10% du volume total) est la première étape de cette ... quoi ? comment dire : cette ... "vidange" ? après tout, la vidange est bien le terme qui désigne l'action de vider, or c'est précisément ce que je fais, je vide. Mais décidément, la vidange résonne un peu trop comme une purge, un siphonnage glougloutant de canalisations malodorantes ... Encore qu'à la réflexion, l'analogie n'est peut-être pas si déplacée que cela ...

Donc, priorité à mes propres cartons : des programmes des pièces de ce théâtre dont j'assurais, pendant quelques années, la promotion, des photos de presse en noir et blanc s'échappant d'un vieux dossier, quelques dossiers de préparation des longs voyages de mes années de fac, le Canada traversé en stop d'Est en Ouest, le nord de l'Europe, du Danemark au cercle polaire, l'arc Yougoslavie-Grèce-Turquie, le Japon, Madagascar. Puis cet amas de photos, et au fur et à mesure que j'exhume des strates plus anciennes, apparaissent des bibelots plus inattendus, un vieux badge marqué "Nucléaire, Oui Encore", arboré fièrement à 12 ans pour faire enrager mon grand frère, écolo chevelu à l'époque, ma carte d'identité d'agent secret confectionnée à huit ans (oui, je sais, les adultes sarcastiques se gausseront de voir un agent secret se confectionner amoureusement une carte d'identité, mais ils ne comprennent de toute façon rien à rien, les adultes), un trésor inouï de plusieurs centaines de billes, le képi d'un ancêtre officier d'artillerie que j'avais recyclé dans mes improvisations théâtrales et qui, après avoir traversé la guerre de 14-18 sans dégâts, n'avait pas supporté cette ultime épreuve ... etc. etc.

Mais surgissent aussi, avec de vieilles photos de classe, le souvenir d'irréductibles haines de cours de récréation, d'humiliations subies un jour, sources de cruelles expéditions punitives le lendemain. Un jour, j'y ai laissé un fragment de dent, j'ai cassé un nez et deux côtes, et frôlé l'exclusion s'il n'avait pas été prouvé que je n'étais pas l'agresseur. Retrouvées, aussi, la photo d'un caniche dont la mort m'avait désespéré, enterré nuitamment dans le jardin, et une photo de cette jambe immobilisée 4 mois après une chute qui m'apprit le sens des mots "douleur physique".

Et enfin, je les connais bien, je ne les ai jamais oubliées, ces coupures de presse jaunies, barrées d'un titre autrefois gras et qui tire aujourd'hui au gris sepia : "un alpiniste amateur de 16 ans se tue sur le Pic du Midi d'Osseau". Et moi j'ai survécu.

Allons ! Je me secoue, je m'efforce d'éviter de trop plonger dans ces eaux moirées, mouvantes, fragmentées d'émotions jaunies et assourdies des échos d'anciennes douleurs.

Se rappelle-t-on, adulte, à quel point l'enfance est un âge violent, âpre, parfois cruel, où les bonheurs comme les désespoirs sont brutaux, immédiats, purs et sans nuance ? Le compromis, la subtilité, les nuances, on ne les apprend qu'après. Se rappelle-t-on ces drames suffocants, tout comme ces joies immenses ? Non, on oublie.

Il y aura d'autres week-end, la maison ne se rendra pas sans d'ultimes combats. Mes armes : quelques cartons et caisses, mais surtout une fidèle armée d'immenses sacs en plastique noir, d'une contenance de 100 litres et à fond renforcé, où échoueront les dernières reliques de quelques vies entrecroisées. D'ici peu, je commanderai un conteneur et il engloutira le reste.

Créer, aimer souvent, conserver parfois puis voir disparaître.

Cycle immuable d'une vie circulaire.

Un siphon. ... en fait, oui, une vidange.

vendredi, août 20, 2004

Avez-vous, avez-vous déjà ?

Avez-vous déjà visité un port, je veux dire vraiment visité, fouillé les entrailles et ouvert les viscères de ce meccano géant, assemblage titanesque de grues, de ponts de roulage et de quais criblés d'entrepôts ?

Avez-vous déjà parcouru ces alignements interminables de conteneurs, écouté le vacarme assourdissant des chaînes de grues grinçant sous l'effort, le grondement des noria de camions qui vident lentement les quais surchargés, concert mécanique sur fond de cris de mouettes ?

Avez-vous déjà humé l'odeur puissante, sulfureuse et ammoniaquée, répugnante et pourtant enivrante, dégagée par les torchères d'un complexe pétrochimique tout proche ?

Avez-vous déjà levé les yeux sur les navires à quai, sur les murailles d'acier de leurs coques alignées comme à la parade, avez-vous déchiffré les noms, les ports d'attache de tous ces monstres ?

Malgré tout ce que vous savez sur la dure réalité du commerce mondial, les rotations épuisantes d'équipages sous-payés et sous-qualifiés, les multiples écrans juridiques et financiers derrière lesquels se dissimulent des armateurs friands de vieux bateaux à simple coque, tellement moins chers car tellement moins sûrs, en dépit de tout cela, avez-vous déjà, dans ce vacarme sonore et visuel, avez-vous furtivement rêvé aux cap-horniers du début du siècle dernier, aux cargos coloniaux regorgeant de café et de cacao, aux voyages de Cendrars naviguant vers ses Pâques à New York, à Michaud et Conrad ?

Avez-vous ? Avez-vous déjà ?

Vous êtes-vous déjà senti minuscule et tout-puissant ?

J'étais à Anvers hier.

mercredi, août 18, 2004

Nuit des étoiles

Retour. Adieu mon île océane, blanche et salée.

J'ai fermé les volets qui battaient dans le vent, affalé les voiles, dégréé le bateau et remisé les vélos. Hier, pieds nus dans le sable tard le soir, je me suis couché sur la plage déserte. Loin du village, le ciel est noir, et les étoiles m'enivrent, m'assaillent, m'écrasent. Impression d'être ce minuscule insecte accroché à la proue d'un titanesque vaisseau spatial, sentir dans mes os les craquements de la charpente planétaire, ivresse de l'immensité, fragments d'émerveillements enfantins sans cesse renouvelés depuis toutes ces années, puis reflux de la marée, rêveries bercées par le clapotis qui s'éloigne imperceptiblement.

Ce matin, réveil à la pointe de l'aube, dernier regard sur le portail en vieux chêne massif, à la peinture gris-bleu délavée, je remonte la rue endormie. Un bac, puis mon train m'attend.

Je sais que je reviendrai souvent, à présent, mais ce départ furtif m'arrache encore un lambeau d'écorce. A rebours de la culture "35 heures", je n'apprécie guère le saucissonage des vacances, et le long soleil du mois d'août conserve à mes yeux la saveur alanguie d'un "entre-deux" paresseux et hors du temps.

Paris. Ils n'ont touché à rien, tout est en place. Moiteur du métro, arrogance métallique de la tour Eiffel aperçue de mon bureau. Ils n'ont touché à rien, mais il reste ça et là quelques traces de l'été finissant. Tout est plus silencieux, moins de voitures dans les rues, et j'en ai même vu qui, bien qu'immatriculées "75", ont ralenti pour laisser passer un piéton. Rare état de grâce, fragile et certainement éphémère. Le Parisien n'est supportable qu'entre le 15 août et le 1er septembre.

Bientôt reprendra la ronde des voyages immobiles, ceux où je me faxe d'une ville à l'autre, sans prendre le temps magique et précieux du voyage. Et je repense à ces trois livres lus cet été, parmi d'autres, où Bernard Ollivier raconte ses 12000 kilomètres parcourus à pied entre Istambul et Xi'Ang, sur la route de la soie.


  • InMemoriam
  • Peau d'âme
  • Ludecrit / Double Je
  • La Grange
  • Shannonriver
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  • Carnets rouges
  • Flip Flap
  • Emmanuelle
  • pHiLoGrApHe
  • mon sitcom
  • K: ça e[s]t je[u]
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