embuscade
Ils m'attendaient.
Ils étaient trois. Un à gauche, un deuxième à droite, et une troisième plus petite, sournoise, tapie en embuscade, un peu en retrait.
Je les avais vus. Je n'étais pas surpris. Ils sont toujours là, le matin.
Tous les matins.
Quand ils m'ont vus, tous les trois ensemble, sans s'être concertés, ils se sont rapprochés. D'un geste vif, ils ont sorti leurs armes.
Le premier, c'était "Métro", le deuxième, "Vingt Minutes" et la troisième, un magazine sportif. Métro et Ving Minutes, je connais, j'ai l'habitude. Le magazine sportif, je m'y attendais moins. Mais non, c'est logique, c'est bientôt le week-end, il est temps de faire du sport par procuration, sur papier même pas glacé.
A trois, ils avaient l'avantage du nombre.
Mais j'étais prêt. Je suis toujours prêt. J'ai réagi rapidement, les muscles tendus par l'instinct de survie.
C'est parti. Sans paraître les avoir remarqués, j'avance franchement vers le premier, mais c'est le deuxième que je regarde. Ils ont du mal à interpréter ces signaux contradictoires : chacun croit que je vais saisir le journal de l'autre, ils hésitent, je saisis cet infime moment de flottement, j'accélère, je dribble au dernier moment, ils comprennent qu'ils sont dupés, tardent à réagir, c'est trop tard, je suis passé, j'entre sur le terrain de la troisième, que j'écarte facilement d'un geste ample du bras, qui la fait reculer. Elle croit à un geste de défense, mais non, je n'ai fait que dégager ma manche sur mon poignet, et je feins de regarder ma montre. L'action a duré deux secondes et demi. Ils ne m'ont pas suivis, ils ne peuvent s'écarter de leur terrain de chasse. Bientôt, une autre proie les accaparera.
Moi, ce matin, je suis passé. J'ai survécu.
Encore aujourd'hui, je ne lirai pas la presse "gratuite".
Parfois, j'ai du remord.
Oh, non pas pour eux, non, les chasseurs trouveront toujours une cible, un faible, un cerveau déjà coca-colisé par TF1, prêt à mâcher du papier.
Non, le remord fugace, c'est pour les forêts, dévastées par ce papier inutile. Je devrais prendre ce papier, et le recycler. Comme ça, j'économiserais en papier Moltonel double-couche-à-coussins-d'air-rétrofulgures-tellement-rembourrés-qu'à-côté-Nike-Air-c'est-un-plat-comme-le-contenu-des-journaux-"gratuits".
Mais non, décidément, le remord ne dure pas. Je dois rester inflexible, affuté comme une lame.
Car demain ils me guetteront à nouveau.
Ils seront là, tapis dans l'ombre.
Ils seront toujours là. Tous les matins.
Mais ils ne m'auront pas.
Pas demain.
Ils étaient trois. Un à gauche, un deuxième à droite, et une troisième plus petite, sournoise, tapie en embuscade, un peu en retrait.
Je les avais vus. Je n'étais pas surpris. Ils sont toujours là, le matin.
Tous les matins.
Quand ils m'ont vus, tous les trois ensemble, sans s'être concertés, ils se sont rapprochés. D'un geste vif, ils ont sorti leurs armes.
Le premier, c'était "Métro", le deuxième, "Vingt Minutes" et la troisième, un magazine sportif. Métro et Ving Minutes, je connais, j'ai l'habitude. Le magazine sportif, je m'y attendais moins. Mais non, c'est logique, c'est bientôt le week-end, il est temps de faire du sport par procuration, sur papier même pas glacé.
A trois, ils avaient l'avantage du nombre.
Mais j'étais prêt. Je suis toujours prêt. J'ai réagi rapidement, les muscles tendus par l'instinct de survie.
C'est parti. Sans paraître les avoir remarqués, j'avance franchement vers le premier, mais c'est le deuxième que je regarde. Ils ont du mal à interpréter ces signaux contradictoires : chacun croit que je vais saisir le journal de l'autre, ils hésitent, je saisis cet infime moment de flottement, j'accélère, je dribble au dernier moment, ils comprennent qu'ils sont dupés, tardent à réagir, c'est trop tard, je suis passé, j'entre sur le terrain de la troisième, que j'écarte facilement d'un geste ample du bras, qui la fait reculer. Elle croit à un geste de défense, mais non, je n'ai fait que dégager ma manche sur mon poignet, et je feins de regarder ma montre. L'action a duré deux secondes et demi. Ils ne m'ont pas suivis, ils ne peuvent s'écarter de leur terrain de chasse. Bientôt, une autre proie les accaparera.
Moi, ce matin, je suis passé. J'ai survécu.
Encore aujourd'hui, je ne lirai pas la presse "gratuite".
Parfois, j'ai du remord.
Oh, non pas pour eux, non, les chasseurs trouveront toujours une cible, un faible, un cerveau déjà coca-colisé par TF1, prêt à mâcher du papier.
Non, le remord fugace, c'est pour les forêts, dévastées par ce papier inutile. Je devrais prendre ce papier, et le recycler. Comme ça, j'économiserais en papier Moltonel double-couche-à-coussins-d'air-rétrofulgures-tellement-rembourrés-qu'à-côté-Nike-Air-c'est-un-plat-comme-le-contenu-des-journaux-"gratuits".
Mais non, décidément, le remord ne dure pas. Je dois rester inflexible, affuté comme une lame.
Car demain ils me guetteront à nouveau.
Ils seront là, tapis dans l'ombre.
Ils seront toujours là. Tous les matins.
Mais ils ne m'auront pas.
Pas demain.
1 Comments:
Tu vas m'en vouloir enormement, mais moi je prends un grand plaisir a lire le Metro d'ici : j'imprime en moi le present d'ici, qui passera bientot...
Hepao
By Anonyme, at 6:03 PM
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